« Always lost in the sea » [Libre]

Marcher droit, toujours tout droit, tel était le but de Sebastian dans la vie. Sa conception de la rectitude était, certes, différente de l'idée que s'en faisaient la plupart des gens, mais il se tenait à la sienne, et ça lui plaisait. Il avait un objectif dans la vie - un peu flou, d'accord, mais il en avait un et, malgré son état psychologique parfois au plus bas, il savait toujours de quelle manière il était bon d'agir. C'était sa devise, ne pas se laisser abattre, jamais, même si celà signifiait ignorer ses propres sentiments. Qu'importe, c'était un Dieu, un Nex-necis, et rien ne pouvait l'atteindre, il en avait la conviction.
Ce soir-là, le jeune homme se promenait calmement sur la plage, le long de l'océan. Il avait besoin de solitude, parfois, et cet endroit était en général désert à cette heure-là. Non pas qu'il fasse réellement nuit, mais les humains avaient pour habitude de déguerpir aussitôt que les rayons du soleil diminuaient tandis que l'astre se cachait derrière l'horizon. Tant mieux, ces saletés pouvaient bien aller se bourrer la gueule dans des bars et autres dicothèques, ça lui laissait au moins le champ libre pour réfléchir. Il irait s'éclater plus tard, ou un autre jour. Pour l'instant il se contentait d'apprécier ce moment de solitude, espérant ne croiser personne. Il n'était pas d'humeur. Il n'était jamais d'humeur, en fait.
A vrai dire, Sebastian ne pensait à rien de particulier. Il se contentait d'avancer pas par pas, tout en admirant les environs. Il aimait tellement se ressourcer dans un de ces rares endroits qui n'avaient pas encore été complètement souillés par la race humaine. Il avait l'impression de se trouver au milieu d'un orchestre géant, jouant une mélodie douce et envoûtante, la plus belle qu'il avait jamais connue. Le tempo, plutôt lent, était marqué par ses pas, qui se tenaient au rythme des vagues. L'accompagnement, lui, était simple : le souffle du vent, le cri de l'une ou l'autre mouette au loin, le chuchotis du sable qui semblait accompagner le jeune homme dans son périple. Pour rien au monde il n'interromprait cette symphonie.
Le soleil se couchait derrière l'horizon, inondant les environs d'une lumière orangée presque iréelle. Les quelques nuages s'obscurcissaient, le décor devenait de plus en plus sombre. Bientôt, il ferait complètement nuit, et Sebastian continuerait de marcher. Il était loin de la société, du bruit, du stress omniprésent en ville, de l'humanité. C'était bien mieux ainsi. Le Paradis sur Terre, pensa-t-il, en connaissance de cause. Non jamais. Jamais la Terre, habitée et détruite par l'espèce humaine, ne pourrait arriver à la cheville de l'endroit où il était né et avait grandi. De toute façon, le jour se lèverait à nouveau et ce petit coin paisible serait à nouveau envahi, piétiné et pollué par la race humaine.
Mais pour l'instant, il souhaitait juste profiter de la soirée, se resourcer. Pourquoi pas, après tout? Mais, malheureusement, la réalité avait le don de ne pas se faire oublier si facilement.

Sebastian pensait être seul, ce soir-là. Il s'était trompé, malheureusement. C'est en marchant parmis les rochers qu'il se rendit compte d'une présence, entendant une voix douce et féminine, puis un siflottement. Pensant que ce n'était qu'une humaine de passage, il ne prit pas la peine d'arrêter sa marche et se replongea aussitôt dans ses pensées. De toute façon, la mélodie s'était arrêtée, il continua donc sereinement. Ce ne fut qu'en sortant de derrière les rochers qu'il s'aperçut que l'intruse était encore là, immobile, assise au bord de l'eau. Il ne mit pas longtemps à comprendre que ce n'était pas une humaine, mais bien une Nex-Necis. Son regard, sa façon de bouger, il n'y avait aucun doute. Le jeune homme n'avait aucune envie de taper la discussion, même avec une de ses semblabes, mais il était trop tard pour faire demi-tour, elle l'avait aperçu. Son moment de solitude n'avait pas duré bien longtemps, finalement.

Il s'approcha lentement de la jeune Nex-Necis et s'arrêta à quelques centimètres d'elle, se tournant vers l'océan qu'il n'avait pas envie de quitter des yeux. Il resta là, silencieux pendant quelques secondes avant que la jeune femme prenne la parole, de sa voix douce et mélodieuse.

- On peut dire ça, oui.

Sebastian tourna ensuite la tête vers elle, la toisant rapidement du regard. La déesse avait pris une apparence assez jeune - plus que lui, en tout cas - et pas des plus banales. De longues jambes, des cheveux bruns scintillant dans les reflets du soleil couchant, un regard froid mais envoûtant, ... A bien y réfléchir, son apparence était presque trop soignée pour une Nex-Necis. A moins que sa venue sur Terre soit pour des motifs différents des siens. C'était possible, après tout. Tous ne venaient pas pour les mêmes raison, tout comme tous n'avaient pas les mêmes sentiments aux égards des humains. Quoi qu'il en soit, lui savait pourquoi il était là, et il savait aussi qu'il avait certains efforts à faire.

- Et toi, t'es venue faire un chateau de sable? Il te manque une pelle, je crois.

Il avait lançé le ton de la discussion. Sebastian n'était pas du genre à épargner les gens qu'il rencontrait. Il aimait les pousser à bout pour en découvrir le fond, leur âme. Ensuite seulement il décidait de calmer le jeu ou, au contraire de continuer toujours plus. Tout dépendant de ce que la victime lui paraissait antipathique ou non. Mais bien souvent, elle abandonnait bien avant la fin de la partie.

Le jeune homme reporta son regard sur l'océan. Le soleil se cachait lentement derrière l'horizon. Bientôt il ne serait plus visible, mais la Lune prendrait le relai jusqu'au lendemain, ajoutant une croix au nombre de jours de souffrance de la planète.